Dans les ruelles animées, parfois boueuses, de Bukavu, à l’Est de la République démocratique du Congo, la débrouille est devenue un mode de vie pour de nombreux jeunes. Face à une crise économique prolongée et une insécurité persistante, une nouvelle forme de survie émerge : la collecte et la revente de bouteilles plastiques.
Chaque matin, dès l’aube, des dizaines de jeunes, souvent adolescents ou jeunes adultes, arpentent les rues, les caniveaux et les dépotoirs improvisés de la ville pour ramasser les bouteilles plastiques vides abandonnées un peu partout. Une fois collectées, ces bouteilles sont soigneusement lavées à l’eau du Lac Kivu ou dans de petits bassins improvisés au coin des marchés.
« Cette activité me permet au moins de gagner quelques francs pour manger et aider ma famille. On ne peut pas aller à l’école. Alors, on se débrouille », confie un jeune, d’un ton résigné.
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Les bouteilles lavées ne restent pas longtemps entre leurs mains. Elles sont revendues aux femmes commerçantes, notamment celles qui vendent de l’huile de palme, des jus artisanaux ou d’autres denrées liquides. Pour ces commerçantes, ce recyclage improvisé est une bouffée d’air.
« Grâce à ces jeunes, je peux continuer mon petit commerce. Sans ces bouteilles, je ne saurais pas comment emballer mon huile pour mes clients », explique Mama Bahati, vendeuse d’huile au marché Beach Muhanzi.
Au-delà d’une source de revenus, cette activité répond aussi, dans une certaine mesure, au problème grandissant de gestion des déchets plastiques dans la ville. Bukavu souffre d’un système de ramassage d’ordures quasi inexistant, laissant les bouteilles et autres plastiques envahir les caniveaux et bloquer les égouts.
« On dit que nous sommes des ramasseurs de déchets, mais en réalité, on nettoie la ville », sourit Faustin, 19 ans, qui s’est lancé dans cette activité après avoir quitté l’école faute de moyens. « On fait un travail que personne ne veut faire. »
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Derrière cette débrouillardise se cache toutefois une dure réalité. Ces jeunes travaillent sans aucune protection, dans des conditions insalubres, exposés aux maladies et souvent victimes de violences dans la rue. La plupart rêvent encore de retourner à l’école ou de trouver un emploi plus stable. Mais pour l’instant, les bouteilles plastiques restent leur seul espoir.
Dans une ville où les perspectives d’avenir semblent parfois s’étioler, ces jeunes donnent une leçon de résilience. À défaut d’un soutien institutionnel, ils prouvent qu’avec un peu d’ingéniosité, la survie peut naître au milieu des rebuts.
Un article réalisé par le consortium RATECO et REMEL-GL avec l’appui de La Benevolencija Grands Lacs, dans le cadre du projet Habari za Mahali.