« De l’abus au pouvoir : mettre fin à la conservation-forteresse en RDC », un rapport de l’Oakland Institute expose les abus envers les peuples autochtones de l’Est

Un groupe de chasseurs Mbuti utilisant des filets dans la Réserve de faune d'Okapi © FAO/Thomas Nicolon
Un groupe de chasseurs Mbuti utilisant des filets dans la Réserve de faune d'Okapi © FAO/Thomas Nicolon

Dans un nouveau rapport, « de l’abus au pouvoir : mettre fin à la conservation-forteresse en République démocratique du Congo », l’Oakland Institute expose les liens profonds et contre-intuitifs entre la conservation et l’extraction des ressources naturelles et les abus envers les peuples autochtones dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Depuis plusieurs décennies, la conservation de la nature dans le pays donne lieu à l’accaparement des terres et à la violence contre les communautés autochtones, rappelle le rapport. Le gouvernement et les ONG n’ont pas su répondre au problème à ce jour. Les mesures prises ces dernières années, telles que la formation, la mise en place de mécanismes de plainte, et les garanties sociales, sont inadéquates compte tenu de la nature systémique des problèmes du modèle actuel de conservation-forteresse.

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« L’éviction des communautés autochtones des terres désignées comme zones protégées a créé un vide politique comblé par des acteurs commerciaux extérieurs cherchant à exploiter les ressources naturelles de la RDC. Ce modèle de conservation nuit à la fois à la biodiversité et aux populations, tout en contribuant à l’instabilité politique actuelle dans la région », a déclaré Frédéric Mousseau, directeur des politiques de l’Oakland Institute.

L’Ouganda et le Rwanda, qui reçoivent chaque année des millions de dollars d’aide militaire et économique de la part des pays occidentaux, profitent de l’exploitation des vastes réserves d’or, de tantale et de cobalt de la RDC, tout en alimentant le conflit dans ce pays déjà ravagé par la guerre.

Le rapport détaille comment les forces de sécurité et les écogardes impliqués dans la « protection de l’environnement » et les ONG de protection de la nature qui gèrent certains parcs nationaux, comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) et la Wildlife Conservation Society (WCS), sont responsables de violences et d’atrocités horribles commises contre les communautés autochtones.

Les militaires et écogardes responsables de ces crimes jouissent de l’impunité malgré le financement fourni par les gouvernements allemand et américain pour leur matériel et leur formation.

Les communautés autochtones de la RDC cherchent depuis des années à obtenir justice en vain en déposant des plaintes devant les tribunaux nationaux. Les membres de la communauté Batwa expulsés du parc national de Kahuzi-Biega ont porté l’affaire devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, alléguant que la violence, les viols, les meurtres et les incendies criminels étaient des crimes contre l’humanité dont leur peuple est victime.

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En juillet 2024, la Commission africaine a reconnu les droits des Batwa sur leurs terres et a ordonné au gouvernement de la RDC de restituer les terres à leurs propriétaires légitimes, de les indemniser et d’assurer leur pleine protection.

« C’est une énorme victoire », a déclaré Samuel Ade Ndasi de l’ONG Minority Rights Group.

« Cette décision établit un précédent solide qui reconnaît la valeur des connaissances traditionnelles autochtones et des pratiques de conservation de l’environnement et de la biodiversité. À partir de maintenant, aucune communauté autochtone ne devrait être expulsée au nom de la conservation où que ce soit en Afrique », a poursuivi Ade Ndasi.

Le rapport indique clairement que, bien que la décision soit historique, sa mise en œuvre effective nécessite un changement radical de cap de la part du gouvernement de la RDC, de l’industrie de la conservation et des donateurs occidentaux, vers un nouveau paradigme qui respecte et protège à la fois les personnes et la biodiversité.

« Un tel changement de paradigme institutionnel est primordial », a déclaré Mousseau.

« Les objectifs de conservation ne seront toutefois pas atteints sans s’attaquer à l’extraction illégale de ressources dans l’est de la RDC, qui implique les voisins du pays, ainsi que leurs partenaires commerciaux et financiers. Le gouvernement américain finance la protection de l’environnement en RDC alors qu’il soutient aussi les pays qui sont à l’origine des violences et du pillage des ressources naturelles, notamment dans les parcs. Ce soutien inconditionnel et schizophrène doit cesser afin de protéger à la fois les communautés autochtones et la biodiversité du pays », a-t-il conclu

Rédaction

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