La Société Civile du Sud-Kivu, dirigée par Me Néné Bintu, exprime des inquiétudes majeures concernant la levée prématurée de la suspension des activités minières dans la province, alors que la commission chargée d’évaluer la situation n’a pas encore terminé son travail. Cette réaction survient alors que le Gouverneur de la province a déjà autorisé certaines activités minières à reprendre, notamment dans le secteur stannifère (3T).
Pour Me Néné Bintu, la décision de lever la suspension pour certaines entreprises, comme celle du secteur stannifère le 15 août 2024, est « inquiétante ».
« Dans l’entretemps, le Bureau de Coordination de la Société civile du Sud Kivu qui avait salué la décision et la mise en place de ladite commission dans laquelle ont siégé certains de ses membres, ne s’empêche pas de soulever certaines inquiétudes à ce stade : Certaines entreprises minières; coopératives ont été autorisées à reprendre les activités avant que la commission ne termine le travail. C’est le cas de la filière stannifère pour laquelle la mesure de suspension a été levée le 15 août 2024. En ce qui concerne le secteur de l’or, une autre réunion a été tenue ce 16 août 2024 et certainement que la mesure pourra également être levée à condition de respecter les conditions légales requises ».
En clair, la Société Civile du Sud-Kivu s’inquiète du fait que cette levée intervient avant la conclusion des travaux de la commission multisectorielle mise en place pour examiner les anomalies dans le secteur minier.
La suspension des activités minières, entrée en vigueur le mois dernier, avait été saluée comme une initiative courageuse visant à réguler un secteur minier critiqué pour ses nombreux abus. La mesure faisait suite à des plaidoyers soutenus par le Bureau de Coordination de la Société Civile, qui a également participé à la création de la commission d’évaluation.
Malgré cette avancée, la Société Civile a souligné plusieurs problèmes persistants. Certaines entreprises et coopératives auraient continué leurs activités en violation de la suspension, comme observé à Shabunda et Mwenga, où des arrestations ont été effectuées pour faire respecter la décision.
« A Shabunda, lors de sa visite d’itinérance, le Gouverneur de province a fait arrêter certains récalcitrants. La même situation a été décriée à Mwenga pour certaines coopératives et dans les hauts plateaux de Mwenga et Fizi où les activités ont continué malgré la suspension ».
Me Néné Bintu a également mentionné que des structures étatiques dans le secteur n’ont pas été associées aux travaux de la commission, ce qui pourrait compromettre la qualité du rapport final. De plus, des allégations de corruption, avec des sommes perçues pour obtenir des avis de conformité, viennent entacher le processus.
« Certaines structures étatiques se plaignent de n’avoir pas été associées dans la commission ad hoc pourtant elles détiendraient des informations devant éclairer la commission par rapport aux recettes perçues. Des sommes auraient été perçues par certains membres de la commission pour obtenir les avis de conformité ».
Pour elle, il est primordial que le rapport de la commission soit rendu public pour permettre un suivi rigoureux et un contrôle citoyen.
Elle appelle à ce que le rapport inclut des informations claires sur le nombre exact de coopératives et d’entreprises minières en règle, les engagements pour la signature des cahiers des charges, et le montant des redevances et recettes minières. La transparence sur ces aspects est cruciale pour garantir que les communautés locales bénéficient réellement des ressources minières.
« Tout compte fait, il est prématuré de préjuger d’un rapport dont le contenu n’est pas encore connu. Il y a lieu de féliciter les initiatives des uns et des autres pour dénouer la situation étant donné que l’économie du Sud Kivu est dominée par les activités minières mais la Société civile dans sa mission de lanceur d’alerte prohibe les méthodes de corruption au cas où elles sont avérées et invite les uns et les autres privilégier l’intérêt des communautés locales touchées par ces activités minières et qui n’en profitent rien. En clair, le Bureau de Coordination de la Société civile revient sur ses attentes avant la publication du rapport de la commission: A l’issue du travail de la commission, connaître le nombre exact des coopératives et des entreprises minières en ordre et celles qui se sont conformées par la suite Avoir les engagements de déclencher la procédure de signature des cahiers de charges en bonne et due forme par les entreprises minières car elles y sont astreintes par la loi au bénéfice de communautés locales et leur fixer un délai ».
Aussi, la Société Civile espère connaître le montant de la redevance minière et autres recettes issues du secteur minier artisanal et par les entreprises tous les trois mois en ce qui concerne la province et les ETD
« Lever la cacophonie au sujet des entreprises minières qui se cachent derrière les coopératives minières et les instrumentalisent en divisant les communautés et en échappant à leurs obligations légales ».
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Le Bureau de Coordination de la Société Civile invite également les autorités provinciales à renforcer le contrôle sur le terrain et à sanctionner les récalcitrants.
« Les questions environnementales doivent être traitées avec rigueur. De nombreuses entreprises n’ont pas effectué d’études d’impact environnemental, et il est urgent de rectifier cette situation », a conclu Me Néné Bintu.
La Société Civile du Sud-Kivu appelle à éviter la politique de deux poids deux mesures, à encourager la dénonciation des cas de corruption et à veiller à ce que les intérêts des communautés locales soient au cœur des décisions concernant les activités minières.