Le Tribunal de Grande Instance de Kara a effectué sa rentrée judiciaire le 9 octobre 2024, avec l’ouverture du procès de quatre trafiquants d’ivoire. Au cours de l’audience, tous ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés. Ils ont écopé d’une peine d’emprisonnement de trente-six mois, dont vingt-quatre avec sursis. En outre, ils devront s’acquitter d’une amende d’un million de francs CFA, assortie de sursis, pour destruction et commercialisation d’espèces animales protégées.
Le Tribunal de Grande Instance de Kara a ainsi condamné les nommés O. Wendana, K. Bogra, T. Issifou et Y. Abibou à trente-six mois de prison, dont vingt-quatre avec sursis, et à payer chacun une amende d’un million de francs CFA pour commerce illégal de 34,36 kilogrammes d’ivoire et de dents d’hippopotame. À titre de dommages et intérêts, ils ont également été condamnés à payer solidairement une somme de cinquante millions de francs CFA au Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF), partie civile dans cette affaire.
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Cette décision de justice est exemplaire, car elle s’inscrit dans la vision de collaboration entre le MERF et le réseau EAGLE, qui œuvre pour l’application des lois fauniques dans de nombreux États africains. Le commerce illégal des espèces est un crime et une menace sérieuse qui doit être traité avec la plus grande fermeté par les États africains.
Selon le Procureur de la République de Kara, l’Afrique est le deuxième continent en termes de biodiversité. Malheureusement, 19 % de la faune africaine est menacée en raison des trafics illicites.
« Le Togo dispose de parcs naturels, mais les trafiquants font tout pour passer entre les mailles du filet, malgré tous nos efforts. Le Togo a très tôt accordé de l’importance à la mise en place de textes juridiques pour protéger les espèces », a-t-il déclaré, ajoutant que les quatre prévenus ont détruit des espèces dans les forêts du Burkina Faso.
« L’article 51 du code pénal stipule que les coauteurs et les auteurs du crime sont sanctionnés au même titre. L’article 761 du même code précise que ceux qui se livrent à un trafic illicite encourent de un à cinq ans de prison, ainsi qu’une amende de un à cinquante millions de francs CFA. Les débats ont été clairs. Issifou T. est le principal responsable, et les autres prévenus ont apporté leur aide à différents niveaux pour que la transaction soit effective. Tous ont reconnu que la vente des ivoires est illicite. En conséquence, ils sont condamnés chacun à 36 mois d’emprisonnement ferme et à deux millions de francs CFA d’amende chacun », a-t-il ajouté dans son réquisitoire, avant que le délibéré ne réduise les peines.
Le Togo a perdu plus de 80 % de ses éléphants en raison du braconnage. Des inventaires fauniques menés par le WWF et ses partenaires ont révélé que les populations d’éléphants avaient diminué de plus de 70 % en l’espace de dix ans. Le WWF encourage les tribunaux à continuer de faire preuve de fermeté à l’égard des trafiquants d’ivoire et des braconniers pour préserver les éléphants.
Selon la loi faunique au Togo, toute personne qui détruit ou commercialise directement ou indirectement des espèces animales ou végétales protégées est punie d’une peine d’un (01) à cinq (05) ans d’emprisonnement, ainsi que d’une amende d’un million (1.000.000) à cinquante millions (50.000.000) de francs CFA. Malgré cette disposition, le braconnage des éléphants continue d’augmenter, et le Togo est également un pays de transit pour le commerce illégal d’ivoire.
La défense des quatre prévenus a souligné que la protection des espèces en voie d’extinction est l’affaire de tous et que la destruction des espèces animales protégées constitue un crime. « Cette assise doit avoir un aspect pédagogique. Mes clients reconnaissent avoir agi à différents niveaux. Ce sont des délinquants primaires. L’aspect pédagogique devrait dissuader. Je vous prie de faire preuve de clémence, en tenant compte de leur jeune âge et de la responsabilité des autres, afin de leur faire comprendre qu’il ne faut plus agir ainsi, malgré leurs besoins », a plaidé leur avocat.
Le commerce illégal des espèces sauvages menace la survie de nombreuses espèces dans la nature, y compris celle des éléphants. Au cours des trois dernières années, environ un cinquième de la population totale d’éléphants d’Afrique a été tué pour l’ivoire, selon l’UICN. Ce trafic génère d’énormes profits illégaux pour des organisations criminelles complexes, souvent responsables de l’abattage, du transport et de la commercialisation de produits illégaux issus des espèces sauvages.
Un récent rapport de l’UICN sur le statut des éléphants africains révèle qu’il resterait environ 10 000 éléphants en Afrique de l’Ouest, dont plus de cent vivent actuellement au Togo. Cette population est encore très fragile et nécessitera plusieurs années pour se reconstituer. Outre le braconnage, deux autres facteurs contribuent à la baisse drastique de l’effectif des éléphants : l’accroissement du trafic illégal d’animaux, lié à la forte demande internationale pour l’ivoire, et l’exploitation abusive des ressources naturelles nécessaires à leur survie, causée par l’agriculture industrielle et l’occupation anarchique de leur habitat.
Rappelons que les quatre trafiquants d’ivoire ont été arrêtés par les agents de la Brigade de Recherche et d’Investigation (BRI) de Kara et du MERF, en collaboration avec EAGLE-Togo, le 30 juin 2024, en possession de 11 grosses défenses d’éléphants, de 8 morceaux d’ivoire, de 5 dents d’hippopotames et de deux morceaux de dent d’hippopotame, qu’ils s’apprêtaient à vendre.