Disparition alarmante du lamantin d’Afrique de l’Ouest

Le lamantin d'Afrique
Lamantins d’Afrique de l’ouest. © Zoo de Beauval

Le lamantin, bien que protégé par la CITES, reste vulnérable en raison de la pollution des cours d’eau et de la proximité des activités humaines. Le braconnage, les captures accidentelles et la destruction des mangroves entraînent l’extinction silencieuse et alarmante de l’espèce. Les lamantins sont traditionnellement chassés pour leur graisse et leur viande, malgré les textes qui les protègent. Avec l’intensification de la pêche et l’utilisation croissante de filets solides en fibres synthétiques, les captures accidentelles de lamantins ont également augmenté. Le plus souvent, les lamantins capturés sont destinés à la consommation locale.

Comme les autres espèces, les lamantins d’Afrique de l’Ouest sont particulièrement menacés dans l’ensemble de leur aire de répartition, qui s’étend le long de la côte occidentale de l’Afrique, du sud de la Mauritanie au centre de l’Angola. Non seulement l’espèce est considérée comme étant en voie d’extinction inquiétante, mais les données fiables sur sa répartition, sa biologie et son écologie sont rares.

Lire aussi : Le lamantin d’Afrique sur la liste rouge des espèces en danger : une espèce à protéger

Bien que tous les pays où l’on trouve des lamantins d’Afrique se soient dotés de lois visant à protéger l’espèce contre la chasse, ces mesures de conservation ne sont pas correctement appliquées. Classé aujourd’hui sur la liste rouge des animaux menacés par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), il n’existe actuellement aucun mécanisme officiel régional pour la conservation du lamantin d’Afrique. Les législations et les coutumes nationales et locales dans de nombreux États de l’aire de répartition ne répondent pas adéquatement aux besoins de conservation de l’espèce.

Les lamantins sont capables de tolérer la présence des hommes et vivent en fait à proximité de l’homme depuis des milliers d’années. Cependant, les aménagements modernes constituent une menace pour l’espèce ouest-africaine. Parmi ces menaces figurent la conversion de zones humides à d’autres usages fonciers, généralement pour la construction ou pour des aménagements agricoles. La pollution provenant des eaux d’égout des centres urbains et le lessivage des terres cultivées, notamment par l’industrie extractive, constituent une autre menace. Certaines zones du delta du Niger, par exemple, sont fortement dégradées par les déversements d’hydrocarbures.

La construction de digues et de barrages, en particulier ceux qui traversent complètement les cours principaux des fleuves et rivières, constitue également une menace pour les lamantins. De nombreux barrages existent en Afrique de l’Ouest, certains étant de taille modeste et contrôlant les flux vers et en provenance des lacs ou des zones irriguées, comme dans le delta du Sénégal et le lac de Guiers. D’autres sont de grande taille, comme le barrage de Kainji au Nigeria, celui de Diama dans la partie inférieure du fleuve Sénégal, et les barrages de Sélingué et de Markala sur le fleuve Niger au Mali.

Une menace clé posée par ces aménagements est l’isolement génétique des populations, car les lamantins perdent leur capacité à se déplacer entre différentes parties des fleuves, des rivières et des zones humides associées. Cela peut entraîner des extinctions locales puisque de petites populations isolées sont vulnérables.

Lire aussi : La COP29 et la problématique de l’extinction des espèces sauvages protégées : où en est-on exactement ?

Dans certains pays, la chasse aux lamantins fait partie des traditions et représente un rituel important. Au Niger, par exemple, tuer un lamantin est un acte de prestige parmi les populations sorkos. De la Côte d’Ivoire au Congo, en passant par le Mali et le Tchad, la chasse a réduit la taille des populations. Même si elle reste d’une moindre ampleur, la chasse constitue une menace réelle pour l’animal, en raison de sa faible reproduction. Le lamantin est non seulement chassé pour sa viande, mais aussi pour ses attributs magiques, connus uniquement des guérisseurs traditionnels. Malgré les progrès réalisés dans certains pays d’Afrique pour décourager la chasse, les produits dérivés du lamantin demeurent très convoités. Non réglementée et vraisemblablement excessive, la chasse est largement considérée comme la principale menace pesant sur les populations de lamantins.

La viande du lamantin est considérée comme délicieuse dans de nombreuses régions, tandis que d’autres parties de l’animal, telles que l’huile, le cuir et les os, sont utilisées à des fins de consommation et de médecine traditionnelle. Au Mali, par exemple, différentes parties du corps du lamantin servent à traiter diverses affections dans la médecine traditionnelle. Par exemple, la graisse est utilisée pour guérir l’anémie et les infections de l’oreille, les os pour les rhumatismes et l’épilepsie, et les organes sexuels pour traiter l’impuissance et la stérilité, tandis que des croyances populaires sont associées à la plupart des parties de l’animal.

Au Togo, les recherches sur le lamantin ont fourni très peu d’informations sur l’espèce, mais des sources confirment que les lamantins sont chassés et parfois capturés. Ainsi, il est confirmé que l’espèce existe dans les eaux fluviales et lacustres du sud du Togo. Pendant longtemps, le lamantin a eu une valeur économique pour sa viande et autres produits, notamment les parties utilisées dans la médecine traditionnelle. La viande du lamantin est très prisée en Afrique de l’Ouest et revêt également une grande valeur culturelle, ce qui a conduit à une surchasse dans certaines régions, entraînant un déclin des populations au sein de leur aire de répartition. La viande et la graisse du lamantin font aussi l’objet d’un commerce illégal, notamment entre le Tchad et le Cameroun.

Le lamantin joue un rôle important dans le contrôle de la croissance des plantes dans les fleuves et autres voies navigables, en nettoyant les canaux de leur végétation surabondante. Il a même été proposé comme une forme de « contrôle biologique » de la prolifération de la jacinthe d’eau dans les fleuves et autres cours d’eau d’Afrique de l’Ouest.

Lire aussi : Uvira : un hippopotame abattu par des éléments FARDC à Kabimba, grosse colère des défenseurs des animaux

Des efforts ont été déployés par les différents gouvernements et la société civile de la sous-région pour la conservation de l’espèce, mais même dans les pays où elle est protégée par une loi nationale, cette protection n’est pas correctement appliquée. Ainsi, les populations de lamantins dans leur aire de répartition sont menacées par la capture dans les filets de pêche, la chasse, le commerce, les modifications de leur habitat, y compris la coupe des mangroves et les travaux d’aménagement, tels que les barrages. De plus, des pressions croissantes sur les ressources naturelles, dues principalement à l’augmentation de la population humaine et à l’utilisation des zones humides, ainsi qu’à l’utilisation croissante de nouvelles technologies, constituent de graves menaces pour l’extinction du lamantin.

Dans l’ensemble, il est impératif de restaurer le respect pour l’espèce et de sensibiliser les populations à ses valeurs écologiques et culturelles dans toute la région. Cela peut se faire à travers des actions ciblées de communication, d’éducation et de sensibilisation du public. Dans cette optique, le réseau EAGLE préconise la répression des trafiquants fauniques pour dissuader d’éventuels autres trafiquants. Il est donc nécessaire de redoubler de vigilance et de faire des plaidoyers auprès des autorités pour qu’une politique pénale soit définie en matière de répression des infractions liées à la criminalité faunique, afin d’en rendre l’application plus dissuasive.

Avec Eagle Togo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.