Sud-Kivu : la crise amplifie les troubles mentaux, la DPS tire la sonnette d’alarme

Santé mentale
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À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, la Division Provinciale de la Santé (DPS) du Sud-Kivu a lancé un appel urgent face à la montée inquiétante des troubles psychologiques dans la province.

Placée sous le thème national « Promouvoir la santé mentale pour une paix durable en RDC », la journée a mis en lumière le lien étroit entre bien-être psychologique, paix et cohésion sociale, dans un contexte marqué par les conflits armés et les crises humanitaires récurrentes.

Selon les dernières données publiées par la DPS, 118.379 cas de troubles mentaux ont été recensés entre janvier et juin 2025 dans les structures sanitaires du Sud-Kivu.
Parmi eux, 10 888 cas sont liés au stress post-traumatique6.178 à la dépression2.437 à la toxicomanie, tandis que 93 cas de suicide ont été enregistrés sur la même période.

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Pour Michel Maneno, chef de division intérimaire à la DPS, ces chiffres reflètent « l’impact direct des conflits armés, de la pauvreté, du chômage et des violences domestiques sur la santé mentale des populations ».

Il alerte sur une crise silencieuse qui touche les femmes victimes de violences sexuelles, les enfants déplacés, mais aussi les jeunes sans emploi exposés à la drogue et à la marginalisation.

« La souffrance psychologique est devenue un phénomène massif mais encore tabou. Beaucoup préfèrent se taire, par peur du jugement ou faute de services spécialisés accessibles », souligne Michel Maneno.

Pour faire face à cette situation, la DPS a entrepris le déploiement de psychologues et d’agents psychosociaux dans plusieurs zones de santé, notamment à Bukavu, Kalehe, Kabare et Uvira.

L’objectif est de rapprocher les services de santé mentale des communautés et de renforcer la prise en charge des personnes en détresse.

Selon la DPS, plusieurs hôpitaux généraux de référence disposent désormais de cellules de soutien psychologique, offrant un accompagnement individuel et collectif assuré par des professionnels formés.

Cependant, le manque de moyens demeure un obstacle majeur : pénurie de médicaments adaptésinsuffisance de centres spécialisés et absence de formation continue du personnel de santé.

« Nous avons besoin d’un appui technique et financier durable pour garantir une prise en charge de qualité. La santé mentale ne doit plus être la dernière roue du carrosse », plaide un psychologue du centre de santé de Bagira.

Le chef de la DPSDr Pépin Nabugobe Shamavu, a rappelé le lien indissociable entre santé mentale et stabilité sociale.

Selon lui, les blessures invisibles de l’esprit nourrissent les tensions communautaires, ravivent les traumatismes collectifs et entretiennent les cycles de violence.

« Les blessures mentales non soignées deviennent des bombes à retardement pour la société.
Une paix durable exige une guérison intérieure collective »,
 a-t-il martelé.

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Le Dr Nabugobe a déploré que la santé mentale reste marginalisée dans les politiques publiques et les budgets de développement, alors qu’elle est essentielle à la résilience individuelle et communautaire.

Pour la DPS, la promotion du bien-être psychologique ne saurait reposer uniquement sur le système de santé.
Elle requiert la mobilisation de tous les acteurs : autorités politiques, leaders communautairesconfessions religieusesenseignants et médias.

La division provinciale appelle à renforcer les campagnes de sensibilisation, à démystifier les préjugés liés aux troubles psychiques et à favoriser la parole dans les famillesécoles et lieux de culte.

« Chacun doit contribuer à briser le silence. La santé mentale, c’est l’affaire de tous », insiste Michel Maneno.

Sur le plan international, la Journée mondiale de la santé mentale 2025 a été placée sous le signe de la résilience en situation d’urgence.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a exhorté les États à garantir un accès équitable aux soins psychologiques, notamment pour les populations affectées par les conflits, les catastrophes naturelles et les déplacements forcés.

Dans une région comme le Sud-Kivu, régulièrement confrontée à l’instabilité et aux crises humanitaires, cet appel trouve un écho particulier.
Les autorités sanitaires affirment vouloir intégrer la santé mentale comme axe prioritaire du plan provincial de santé 2026–2030.

Malgré les obstacles, des initiatives communautaires émergent :

  • groupes de parole pour femmes survivantes,
  • clubs de résilience pour jeunes,
  • programmes radio de sensibilisation,
  • et séances de psychothérapie collective.

Ces efforts traduisent une prise de conscience progressive : la guérison est possible lorsque les communautés s’approprient la santé mentale.

« Tant que les esprits restent blessés, la paix reste fragile. Prenons soin de notre santé mentale : c’est la base d’une paix durable », a conclu le Dr Pépin Nabugobe Shamavu.

Article produit dans le cadre du projet Habari za Mahali du consortium RATECO et REMEL, avec le soutien de Media4Dialogue de La Benevolencija.

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