La pauvreté sans précédent et le relâchement du gouvernement, sont les deux grandes contraintes qui bloquent l’accès aux services des soins de santé chez les personnes déplacées internes au Sud-Kivu. C’est ce que révèle une étude scientifique menée par le Centre D’excellence Denis Mukwege (CEDM) en collaboration avec l’Université Evangélique en Afrique (UEA) notamment à Kabare et à Uvira. Les résultats ont été présentés ce lundi 18 septembre 2023 à Bukavu.
Au cours de cette présentation, les participants ont mené une réflexion collective avec les parties prenantes intervenant dans le mécanisme de soins de santé de la province du Sud-Kivu, y compris les bénéficiaires et les prestataires des soins des zones concernées par l’étude, notamment les connections sociales de ces personnes déplacées dans la recherche des soins de santé, comment peuvent- ils être soutenus pour un mécanisme de prestation qui répond mieux à leurs besoins.
Lire aussi: Bukavu: le CEDM forme des potentiel-les enseignant-es et professionnel-les qui interviendront dans le master en genre et service social à l’UEA
Les chercheurs du CEDM ont, tour à tour, expliqué au travers des exposés les résultats clés de la recherche. C’est notamment les contraintes d’accès aux soins de santé classiques chez les personnes déplacées internes au Sud-Kivu, les résultats sur la Pauvreté et santé des personnes déplacées internes au Sud-Kivu: cas du territoire de Kabare mais également les résultats sur la maladie tropicale négligée au Sud Kivu: causes et conséquences socioéconomiques.
Il ressort de cette étude du CEDM que les personnes déplacées internes interviewées par les chercheurs ont, à l’unanimité, évoqué l’aspect de manque des moyens financiers qui fait que certaines d’entre elles s’abstiennent d’affronter des structures médicales en cas de maladie. Certaines arrivent même à mourir dans leurs milieux d’accueil avec des maladies pourtant curables, révèlent les chercheurs. Les chercheurs évoquent un relâchement du côté du gouvernement qui intervient dans une faible proportion.
Lire aussi: Sud-Kivu : le CEDM s’en va en guerre contre les Violences Gynécologiques et Obstétricales
« Ces 20 dernières années, le pays a été victime de plusieurs guerres et conflits qui ont entraîné le déplacement des populations surtout au niveau du Sud-Kivu. On s’est rendu compte que quand ces populations se retrouvent dans leurs milieux d’accueil, elles se heurtent aux problèmes d’accès aux services de soins de santé. Lorsqu’on a observé les conditions de vie des personnes déplacées internes dans leurs milieux d’accueil, on s’est dit qu’il y a lieu de suivre leur situation de très près, voir ce qui pose problème pour ces populations en ce qui concerne leur accès aux soins de santé. Il y a des grands résultats auxquels on a abouti. Le premier est que les personnes déplacées sont caractérisées par une pauvreté sans précédent et que le manque de moyens les empêche, de toute évidence, d’ accéder aux soins de santé. De deux, il y a une sorte de relâchement du côté du gouvernement, qui abandonne les personnes déplacées. Aucune structure étatique n’a essayé de venir en rescousse aux personnes déplacées », a soutenu Ngongo Muganza Henri, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et directeur de cette étude au sein du « Centre d’Excellence Denis Mukwege » (CEDM).
A la question de savoir comment ces personnes déplacées peuvent- elles être appuyées de manière à remodeler les systèmes de santé et les mécanismes de prestation qui répondent au mieux à leurs besoins, le Directeur de cette étude a, sur base des recommandations de l’étude, évoqué l’appui des organisations internationales aux personnes déplacées mais aussi l’implication de l’état en mettant sur pied des structures d’accompagnement au niveau de la base. Ceci pour permettre l’accès aux soins de santé en faveur de ces dernières.
Lire aussi: Sud-Kivu : le CEDM en atelier de validation du curriculum de master en genre et service social
« Les solutions envisageables sont telles que les organisations internationales doivent penser à l’autonomisation des personnes déplacées en finançant tant soit peu les petites activités qui vont leur permettre de redémarrer et avoir une source de revenus. Deuxièmement, l’État doit mettre en place des structures d’accompagnement à partir de la base pour permettre à ces personnes déplacées d’avoir, tant soit peu, la possibilité d’accéder aux services de soins de santé. Le mieux serait d’accompagner très rapidement ces personnes » a recommandé Ngongo Muganza Henri.
Contexte
Il faut dire que depuis 2020, l’Université Evangélique en Afrique est en partenariat avec l’Université d’Edinburgh et d’autres partenaires en Somalie, au Kenya, en Afrique du Sud, pour mener des recherches autours de l’accès aux soins de santé des congolais et somaliens déplacées de longue durée dans leur pays, au Kenya et en Afrique du Sud.
Ce projet a comme ambition d’abord d’analyser le cadre légal du système de santé dans ces pays concernés, d’analyser les connections sociales de ces déplacés dans la recherche des soins de santé, comment peuvent- ils être soutenus pour un mécanisme de prestation qui répond mieux à leurs besoins et ainsi formuler des recommandations et stratégies d’accès aux soins de santé pour ces personnes déplacées.
C’est dans ce cadre que le CEDM a donc organisé cet atelier de présentation de ces résultats aux parties prenantes intervenant dans le mécanisme de soins de santé de la province du Sud-Kivu, y compris les bénéficiaires et les prestataires des soins des zones concernées par l’étude. Ceux-ci ont donné des avis sur comment ces personnes déplacées peuvent être appuyées de manière à remodeler les systèmes de santé et les mécanismes de prestation qui répondent au mieux à leurs besoins.
Selon les organisateurs (CEDM), ces avis seront alors transmis aux parties concernées (Etat congolais et organisations internationales partenaires du Gouvernement) pour une meilleure amélioration du système de santé en faveur des personnes déplacées internes au Sud-Kivu.