La ville de Bukavu produit 898 tonnes de déchets par jour. Ces données ont été révélées dans une note technique à l’attention de l’autorité provinciale concernant la gestion des déchets, rendue publique par la Synergie des Organisations d’Assainissement en République Démocratique du Congo (SOA-RDC). L’organisation propose le lancement d’une vaste campagne porte-à-porte sur toute l’étendue de la ville de Bukavu, visant à obliger tous les ménages, entreprises et institutions officielles à s’abonner au système formel d’évacuation des déchets.
Dans cette note technique parvenue à la rédaction centrale de La Prunelle RDC, le réseau SOA-RDC précise que ces statistiques ont été obtenues grâce à la mairie de Bukavu, des chercheurs indépendants (UNHABITAT, IITA, CARITAS, TEARS FUND, U.O.B, etc.) et en collaboration avec la Synergie des Organisations d’Assainissement en RDC.
De cette quantité, seulement 135 tonnes, soit 15 %, sont évacuées par les 23 structures gestionnaires membres du réseau SOA-RDC. La quantité évacuée par la mairie de Bukavu reste difficile à évaluer en raison du manque de données.
« Les 3 ou 4 autres organisations non membres de la SOA-RDC évacuent environ 20 à 25 tonnes ».
Tous les intervenants œuvrent essentiellement dans la seule commune d’Ibanda (quartiers Ndendere et Nyalukemba).
Il convient de souligner que la ville de Bukavu, composée de 20 quartiers, compte plus de 405 avenues. Dans le cadre de la politique de zonage instaurée par la Maire de Bukavu, sur proposition du réseau SOA-RDC, seuls ces deux quartiers sont relativement bien desservis.
SOA-RDC ajoute que les habitants des 18 quartiers non desservis attendent avec impatience l’arrivée d’autres structures qui souhaitent travailler dans le secteur et qui prétendent disposer de moyens financiers conséquents pour contribuer à l’assainissement urbain dans des zones où le pouvoir d’achat des ménages est faible.
La synergie rappelle que la gestion des déchets est un secteur que les pouvoirs publics doivent capitaliser pour répondre positivement à l’appel du chef de l’État de créer des millionnaires congolais.
« Le secteur de la gestion des déchets est capable de générer plus d’emplois et de contribuer à la promotion de l’économie locale, mais il reste bloqué aujourd’hui par un manque de professionnalisme, d’un plan d’action stratégique, d’un bon climat des affaires et de la volonté politique des pouvoirs publics ».
Le Président de ce réseau et signataire de cette note technique, Janvier Mizo Kabare, affirme qu’il a été constaté que seules les autorités compétentes ne sauront résoudre les problèmes liés à la gestion des déchets sans l’implication effective de toutes les forces vives de la province.
Des solutions « made in Congo”
Il poursuit que l’édit provincial No 001/2013 du 25 novembre 2013 portant sur la gestion des déchets au Sud-Kivu établit déjà de solides bases pour entamer des réflexions et des actions sérieuses en vue d’élaborer un schéma pragmatique et une politique provinciale ou urbaine relative à la gestion professionnelle des déchets dans la province du Sud-Kivu.
Pour Mizo Kabare, la mission de rendre propre le Grand Congo (ou ses vingt-six provinces) dépend avant tout de la volonté politique et de l’autorité de l’État congolais, ainsi que de l’engagement citoyen de son élite impliquée dans le secteur et de toutes les populations congolaises.
« Aux problèmes congolais, et surtout en ce qui concerne les questions environnementales, il faut des solutions congolaises (Made in Congo) pour espérer faire de la nation congolaise un pays qui repose toute sa vision de développement sur les efforts de ses propres fils et filles. Voilà ce qui fera la fierté de toutes les Congolaises et de tous les Congolais. L’aide étrangère peut nous être utile pour résoudre certains problèmes environnementaux, mais pas de manière durable. Les Congolais restent la seule alternative pour le développement effectif et durable de leur pays », insiste Mizo Kabare.
Enfin, cette organisation propose des solutions durables et à impact visible pour contribuer à l’amélioration de la gouvernance dans le secteur de la gestion des déchets à Bukavu, en particulier, et dans la province du Sud-Kivu, en général.
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La gestion des déchets est une question purement technique qui exige un investissement conséquent de la part de l’État congolais.
Les opérateurs économiques, les scientifiques, les églises, la société civile et les cadres de base, tant au niveau local que provincial et national, ont un grand rôle à jouer dans le cadre de la sensibilisation populaire pour soutenir la vision de l’État.
Le réseau SOA-RDC se demande ce que l’État congolais, à travers le gouvernement provincial, envisage réellement de faire de la loi-cadre portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement et de l’édit provincial sur la gestion des déchets au Sud-Kivu, dont les dispositions n’ont jamais fait l’objet d’un travail incessant pour leur application effective.
Il note également que les gestionnaires de déchets n’ont jamais bénéficié d’un quelconque appui technique, logistique ou financier de la part de l’État congolais.
« Même pour contraindre les ménages et les personnes morales à s’abonner au système formel d’évacuation des déchets, la tâche n’a jamais été facile, faute de l’autorité de l’État qui, pourtant, a le monopole de la violence pour infliger des sanctions exemplaires aux récalcitrants ».
Le signataire propose des solutions à court terme, notamment la mise en application de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement et de l’édit provincial sur la gestion des déchets au Sud-Kivu (abonnement obligatoire des ménages aux structures prestataires de services, exemplarité des officiels, nécessité d’élaborer un schéma stratégique de gestion des déchets en attendant le plan d’action stratégique).
Il souligne la consolidation du zonage comme système de suivi de la gestion des déchets sur toutes les avenues (une avenue n’est desservie que par une structure), le renforcement de la collaboration entre les services techniques publics habilités et le réseau SOA-RDC (sans oublier d’autres acteurs œuvrant dans le secteur), et la facilitation de l’écoulement des produits issus du recyclage sur le marché (création de débouchés pour les engrais bio, les pavés, etc.).
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Il appelle également à améliorer le climat des affaires dans le secteur de la gestion des déchets (garantie juridique, fiscale, etc., et protection des droits acquis), à prendre des mesures d’accompagnement des travaux communautaires dits « salongo » (instauration d’un système de jetons comme à l’époque de la deuxième République. Ceci passerait également par des sanctions exemplaires pour ceux qui sabotent le Salongo.
Mizo Kabare demande aussi la création d’un fonds spécial pour la prise en charge effective des déchets accumulés après le salongo), et à renforcer la logistique du réseau SOA-RDC en mettant à sa disposition des camions supplémentaires, qui pourront également être utilisés chaque samedi pendant et après les travaux communautaires, ainsi que la création d’un fonds provincial d’appui au secteur de la gestion des déchets.