Le naufrage tragique survenu le 3 octobre 2024 sur les eaux du Lac Kivu soulève des questions cruciales sur la sécurité sur les eaux congolaises et la responsabilité des acteurs impliqués. Face à cette catastrophe, le Professeur Luc Henkinbrant de Eco-centre des Grands Lacs et de l’Observatoire de la parité et de l’égalité F/H pense qu’il est impératif que les autorités provinciales et les organisations de la société civile agissent de manière proactive pour garantir que de tels événements ne se reproduisent pas. Les propositions formulées appellent à établir une enquête judiciaire exhaustive, à renforcer les mesures de sécurité pour les passagers et à intégrer une perspective de genre dans la gestion des risques.
1.Une enquête judiciaire est absolument indispensable mais elle ne doit pas se limiter à poursuivre les grands responsables » ou « le propriétaire de l’embarcation ». Il faut interpeller tous ceux qui ont permis que se produise ce naufrage et qui porteraient donc une lourde responsabilité, non seulement le capitaine de l’embarcation mais aussi tous les agents de l’Etat qui n’ont pas rempli leur rôle de contrôleur du respect des règles de navigation. Ou encore, ceux qui se seraient indûment ingéré dans cette affaire pour tenter de l’étouffer.
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2.L’identification et la poursuite en justice de tous les présumés auteurs ou complices de plusieurs infractions à la réglementation en vigueur n’a pas que des implications pénales. Elles doivent aussi permettre aux familles des victimes de porter plainte et de se constituer parties civiles dans un procès qui pourrait déboucher sur un jugement de condamnation des différents responsables mais aussi d’octroi aux victimes de dommages et intérêts à charge des auteurs mais aussi de l’Etat congolais. En effet, celui-ci pourrait bien être condamné solidairement au paiement de ces dommages et intérêts si des agents de l’Etat étaient jugés pénalement responsables mais se trouvaient en situation d’insolvabilité.
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- Lors d’un précédent naufrage survenu en 2019 à Kalehe, le président Félix Tshisekedi a donné instruction aux autorités qualifiées de ne plus permettre qu’une embarcation se déplace sans que les passagers ne soient munis d’un gilet de sauvetage. Il a remis,à titre symbolique,1000 gilets de sauvetage au Gouverneur intérimaire de la province du Sud-Kivu. Il est de la responsabilité des armateurs des bateaux de fournir le nombre de gilets de sauvetage nécessaires aux passagers. Ce cadeau aux armateurs, et non pas à la population, contribue à la déresponsabilisation des armateurs alors qu’il est urgent et capital de leur rappeler qu’ils ont l’obligation de fournir ces équipements de secours et qu’ils doivent être interdit de naviguer s’ils font défaut. Dans l’attente de la mise en application de cette mesure, il pourrait être imposé que chaque passager d’un boat soit obligatoirement muni d’un « bidon de sauvetage » (de 10 litres mais vide) qui pourrait assurer sa survie en cas de naufrage.
- D’autres mesures, projets, actions, etc. dont certaines sont « SENSIBLES AU GENRE » sont développées ici de manière succincte :
- Une assistance judiciaire aux victimes, entre autres en vue de la constitution de partie civile.
- Un contrôle renforcé de la mise en application effective des mesures de sécurité en matière de navigation fluviale et lacustre.
- Une mise à jour de la réglementation en partie obsolète sur le transport fluvial et lacustre.
- Des mesures de précaution et de sauvetage additionnelles (Itinéraire longeant les berges du lac,« Bidon de sauvetage », etc.)
- Un mécanisme citoyen de lancement d’alerte « Opération Safe Boat » c’est-à-dire une surveillance, une observation citoyenne, par des lanceurs d’alerte, par les OSC de défense des droits des femmes, par les passagères et passagers, etc. du respect des mesures de sécurité (gilets de sauvetage pour chaque passager, pas de surcharge de l’embarcation, etc.) par l’envoi de SMS ou messages WhatsApp accompagnés de photos de boat surchargé, sans gilet de sauvetage, etc.) pour interpellation des autorités responsables.
- Un apprentissage de la natation pour les enfants particulièrement les filles
- Une formation sur le Cadre d’action de Hyogo 2005-2015 – Pour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes (2005) (le Cadre d’action de Hyogo stipule qu’une perspective liée au genre devrait être intégrée dans toutes les politiques et dans tous les plans et processus décisionnels relatifs à la réduction des risques de catastrophes, notamment dans ceux concernant l’évaluation des risques, l’alerte rapide, la gestion de l’information, ainsi que l’éducation et la formation.)
- Une utilisation de données et de statistiques désagrégées par sexe dans l’examen de l’impact des catastrophes,
- Des évaluations de la vulnérabilité, des risques et des capacités tenant compte de la notion de genre et élaboration des indicateurs sensibles au genre pour surveiller et mesurer les progrès accomplis dans ce domaine.
- Une formation des professionnel.le.s des médias en « journalisme sensible au genre »
- Une formation à l’ « Analyse participative des risques, de la vulnérabilité et des réponses à apporter ». Il est important de reconnaître que les femmes et les hommes ont des besoins et des vulnérabilités spécifiques. Une approche participative est donc nécessaire pour garantir la participation égalitaire et sensible au genre des femmes et des hommes dans l’analyse des risques, afin d’aboutir à des prises de décision plus avisées et une conception de programme mieux adaptée.
- Un renforcement de la sensibilisation du public et des médias à l’égard des vulnérabilités aux catastrophes et des capacités à y faire face en tenant compte de la dimension de genre et mettant en lumière les besoins et les préoccupations spécifiques au genre dans la réduction et la gestion des risques de catastrophes.
- Etc.
Eco-centre des Grands Lacs
Observatoire de la parité et de l’égalité F/H