Sud-Kivu: l’avortement médicalisé et sécurisé pour sauver des vies?

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Des manifestantes défilent lors de la Journée internationale pour le droit à l'avortement, à Paris, le 28 septembre 2022. © Christophe Archambault, AFP

Il est difficile de comptabiliser les avortements au Sud-Kivu. Dans la plupart de cas, les avortements se font clandestinement. On le sait souvent lorsque des complications surviennent et que la femme doit être conduite d’urgence dans une structure sanitaire pour la prise en charge ou lorsqu’on ramasse des fœtus dans des collecteur des eaux usées ou encore lorsque ces femmes et filles perdent la vie. Des femmes mariées comme des filles meurent chaque jour parce qu’elles ne sont pas informées ou sensibilisées sur le droit à un avortement sécurisé et médicalisé.

La Prunelle RDC a rencontré ce lundi 09 janvier 2023, le Docteur Nyamugaragaza Robert, Médecin Coordonnateur du Programme de la Santé Sexuelle et de la Reproduction à la Division Provinciale de la Santé au Sud-Kivu, pour savoir si l’avortement médicalisé et sécurisé est à encourager ou à bannir dans la Société.

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Cet expert en matière de la Santé Sexuelle et Reproductive indique que le manque de sensibilisation sur les lois autorisant l’avortement est la cause de la mort de plusieurs femmes et filles au Sud-Kivu.

Difficulté des chiffres !

Deux sortes d’avortements sont fréquemment enregistrées au Sud-Kivu et plus particulièrement dans la ville de Bukavu. Le docteur Nyamugaragaza  Robert parle des avortements spontanés et des avortements provoqués qui ont tous des conséquences néfastes sur la santé de la femme ou de la jeune fille. 

 « Nous avons les avortements spontanés et les avortements provoqués. De manière générale, des avortements spontanés qui nous arrivent dans les hôpitaux et dans les centres de santé après les complications. Donc, quand il n’y a pas des complications, quel que soit l’endroit où l’avortement a été provoqué, on ne saura pas qu’il y a eu avortement. Deuxièmement, les complications des avortements nous arrivent parce que plusieurs femmes ne sont pas au courant des différentes procédures sécurisées pour leur permettre de faire des avortements de manière confidentielle. C’est ce qui fait que ces complications arrivent toujours dans les zones de santé. Plusieurs avortements se font en secret s’il y a pas des complications».

Nécessité de l’information

Le médecin pense qu’une bonne communication sur le droit à un avortement médicalisé et sécurisé est un atout majeur dans la lutte contre la mortalité de femmes et jeunes filles qui veulent avorter. Pour lui, il faut en tout cas avoir des notions utiles sur leur santé sexuelle et reproductive.

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« Les études ont prouvé que quand on a des connaissances on prend des décisions en fonction de ces connaissances.  On fait des choix judicieux. Le travail consiste finalement  à améliorer la santé sexuelle et reproductive et le bien-être des femmes et des jeunes filles et de faire un travail intense sur la communication pour le changement de comportement. Quand je parle de ça, j’insiste sur le fait que nous ne faisons pas des fois, sur base de ce qu’on nous dit mais souvent c’est sur base de ce que nous connaissons. Quand nous faisons ce qu’on nous dit c’est parce qu’on n’a pas des connaissances. L’essentiel est de faire un effort pour que les gens cherchent des informations, pour que les gens soient informés et lorsqu’ils sont bien informés et sont éclairés, ils prennent des décisions et font des choix qui sont judicieux ».

Celui-ci insiste qu’il est impossible d’interdire à une femme d’avorter et dans ce cas, il lui faut des bonnes informations et un environnement propice pour guider son choix et ses décisions.

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« Une communauté à laquelle on donne des informations et qu’on laisse le libre choix de décider elle-même est mieux que celle à laquelle on impose des choses. C’est à dire qu’on ne fait pas l’interdiction mais on donne juste des informations sur les comportements et les attitudes de base qui soient à moindre risque. Les études ont prouvé que la communauté qui n’était pas informée et où il y a l’interdiction formelle, court plus de risque que celle qui est informée… Voilà pourquoi il est impossible d’interdire à une femme, une fille d’avorter. Si une femme ne veut pas d’une grossesse, qu’il y ait des mesures restrictives ou des mesures contraignantes, si elle ne veut pas d’une grossesse, elle va procéder à l’avortement. Malheureusement, quand on n’a pas de connaissances, on va le faire dans un environnement non sécurisé où elle va mettre sa vie en danger», explique-il.

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Jusqu’à 7 semaines de grossesse !

Pour lui, la RDC est dans les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ces normes  autorisent l’avortement jusqu’à 7semaines grossesse mais avec les contraintes légales liées aux chapitres 14 dans son alinéa 2 du protocole de Maputo.

Ce protocole autorise aux femmes et filles d’avorter si la grossesse met en danger la santé physique et mentale de la mère ou si la grossesse est issue du viol et ou de l’inceste.

Vinciane Ntabala

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