Depuis le précédent rapport du Groupe d’experts, la société Primera Gold DRC a continué d’augmenter les exportations officielles d’or de la République démocratique du Congo. Elle a exporté plus de 4 tonnes d’or entre janvier et octobre 2023. Dans un nouveau rapport, le groupe d’experts note que Primera lui a dit que plus de 90 % des transactions ont été effectuées par voie bancaire, garantissant la traçabilité financière. Cependant, le Groupe d’experts a trouvé des lacunes dans les obligations de diligence raisonnable de Primera.
A la suite des accords de coopération signés entre la République démocratique du Congo et les Émirats Arabes-Unis en octobre 2021, la société Primera Gold DRC a été créée en décembre 2022. Fruit d’un partenariat public-privé, la société a officiellement lancé ses exportations d’or artisanal le 13 janvier 2023.
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« Les avantages institutionnalisés, les avantages fiscaux et le monopole de fait de la société Primera Gold DRC sur les exportations officielles d’or de la République démocratique du Congo ont suscité la critique de nombreux acteurs Des voix politiques, telles que celles du député national Alfred Maisha se sont élevées publiquement contre l’exclusivité accordée à la société Primera Gold DRC. Alors que celle-ci payait la taxe unique de 0,25 % de la valeur des marchandises à exporter, les autres exportateurs payaient plus de 6 %, ce qui a suscité le mécontentement des acteurs économiques. Le Gouvernement congolais a réfuté ces critiques », rappelle le nouveau rapport du groupe d’experts de l’ONU envoyé au Président du Conseil de Sécurité de l’ONU, le 15 décembre 2023.
Selon les experts de l’ONU, le monopole de fait de Primera Gold DRC a fait que certains de ses dirigeants et acheteurs pouvaient se permettre « de ne pas faire cas des autorités minières congolaises ».
« Plusieurs fonctionnaires du secteur minier ont informé le Groupe d’experts qu’ils ne pouvaient pas faire leur travail, car ils craignaient des représailles de la part des représentants de Primera. Par exemple, le 14 août 2023, un responsable de Primera a réprimandé un agent minier du territoire de Fizi, qui avait arrêté un individu soupçonné de transporter de l’or illégal. La société Primera a déclaré au Groupe d’experts que son directeur était intervenu pour protester contre un contrôle illégal. Ceci est contredit par les conclusions du Groupe, selon lesquelles de tels incidents entravent la lutte contre la contrebande de l’or ».
Origine douteuse de l’or
Le Groupe d’experts dit avoir trouvé plusieurs failles dans les sources d’approvisionnement de Primera et en a parlé à la société.
« Premièrement, la société Primera ne peut acheter et exporter que de l’or extrait des mines artisanales, à moins d’obtenir une dérogation. Or, selon les informations reçues par le Groupe d’experts, il y a de forts risques que Primera n’ait pas respecté cette condition dans sa relation d’affaires avec Tanganyika Gold. Deuxièmement, l’origine de l’or acheté par Primera sur plusieurs sites reste inconnue. L’un des principaux fournisseurs de Primera, Regimalic, qui lui a vendu l’équivalent de près de 6 millions de dollars en janvier et février 2023, n’a pas précisé l’origine de l’or dans les documents consultés par le Groupe d’experts ; de même que la Coopérative minière de Kimbi. Plusieurs sources ont indiqué que ces fournisseurs obtenaient la majeure partie de l’or dans des sites miniers situés dans le territoire de Fizi, une zone contrôlée par les Maï-Maï Yakutumba. En réponse aux préoccupations du Groupe d’experts, Primera a indiqué que l’or provenait de sites validés ».
De même, le Groupe d’experts a confirmé qu’à plusieurs reprises, Primera a acheté de l’or illégal provenant de la Coopérative minière Emmanuel du Kivu (COOPEMEK), dans les sites de Lugushwa situés à Wamuzimu, dans le territoire de Mwenga. « Il a obtenu une lettre d’une autorité minière indiquant que l’exploitation minière par COOPEMEK dans cette zone était illégale ».
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En octobre 2023, la société Primera a informé le Groupe d’experts qu’elle était en négociation avec les propriétaires du site.
Les activités de Primera Gold n’ont pas permis de réduire de manière notable la contrebande de l’or dans la région, comme le prévoyait l’accord initial, note le groupe d’experts.
Le Groupe d’experts de l’ONU poursuit que les négociants et les comptoirs (acheteurs et sociétés commerciales) n’ont vendu à Primera que 50 % de l’or collecté ; environ 50 % de l’or collecté a été exporté par contrebande.
Il révèle que les négociants et les comptoirs préféraient ne pas vendre à Primera parce qu’ils préféraient avoir de l’argent liquide, alors que Primera déposait ses paiements en banque, grevés d’autant plus d’impôts bancaires sur les transactions. La société Primera proposait également un prix inférieur à celui du marché noir.